"Du matin du 26 décembre au soir du 6 janvier, il y a 12 jours.
Même si l'exactitude astronomique nous dit que non seulement la lumière diurne a cessé de décroître, mais qu'elle avance d'un saut de coq, l'impression reçue de ces jours est celle d'une nuit immobile où l'on cherche en vain les signes de remontée vers la clarté. Il faudra un mois avant qu'on ne la perçoive.
Est-ce pour cette raison - demeurer dans le mystère de l'ombre - que l'on attribue à ces jours des dons divinatoires ? On les appelle les douze petits mois.
Dans les campagnes où la météorologie était si importante on croyait que des jours privilégiés des ténèbres annonçaient les temps du ciel pour toute l'année à venir. Que n'observait-on pas pour faire d'utiles prévisions ! les halos et les cornes de la lune, les aubes et les soirs, on interrogeait saint Médard, saint Vincent-ami--du-beau-temps, sainte Lucie la pleureuse, Notre dame d'Août, on épiait nuages et gelées, brumes de combes ou de crête, on tirait des présages du sel,du bois, du fer, des odeurs, des cors aux pieds, de l'abeille et du crapaud, des paons et de l'hirondelle, du chat et du corbeau. Le jour de Noël on déposait sur la cheminée douze coupelles d'oignon -l'oignon est formé d'assiettes creuses empilées les unes dans les autres - et l'on surveillait leur évolution. On notait le sec, le moisi, l'humide, le pourri. Et l'on en déduisait, car tout détail avait un sens, que tel mois serait pluvieux, que dans tel autre on attendrait en vain les orages.
Au lieu de cela il me vint l'idée, du 26 décembre au 6 janvier, de tendre non plus les transparentes écuelles de l'oignon afin de percer les mystères de la météorologie, mais mon regard, de l'offrir à toutes les nuances des heures, aux paroles, aux menus événements, au temps qu'il ferait aussi bien sûr, non certes pour le prédire mais comme matière à réflexion, sorte de miroir pour songer à sa vie afin d'avancer vers le dépouillement nécessaire.
Je pris aussi la décision de me défaire en chacun de ces jours d'objets significatifs, symboliques de moi. Je n'ai jamais oublié ce dessin sur les murs d'un couvent où je faisais une retraite. Un homme poussait dans le ravin une brouette pleine de biens. "Désencombrez-vous !" disait l'image.
1 commentaire:
Et oui..., et le contenu de la brouette, on la retrouvé où ? Au vide grenier du village voisin le dimanche suivant, bien entendu; rien ne se... rien ne se.
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