5.7.11

Comme s'il en bleuvait

Cela prendra quelques heures avant que le bleu ne pénètre en moi ; dans mes yeux ; dans mes poumons surtout, comme une libération dans mon souffle. Moi qui ai perdu le sens de l'odorat depuis des semaines, ce n'est pas par l'odeur que m'arrivent tous ces bleus, mais par leur douceur, comme derrière un papier calque, mais souple. Comme des pelures successives, comme des voiles qui dévoilent à l'horizon les couches superposées des montagnes, jusqu'à la neige blanche du Mont blanc, finalement. Dans le calme de cette fin de matinée ou de ce début d'après midi où la lumière est encore montante, des gens tranquilles à la terrasse de cet hôtel où nous prenons, lui un café, moi une glace à la pêche de vigne dont les subtilités ne me parviennent pas, ce n'est pas seulement l'odorat mais aussi le goût qui m'ont laissée désertique. Je sens le glacé, le sucré, mais pas les arômes. Du coup, il me reste la sensation de vacances, et le souvenir du goût, je me rappelle que la pêche est l'un des fruits les plus exquis en mon palais. Un couple lit, elle, les jambes étendues sur une chaise, puis  près de moi, une dame solitaire, concentrée ; tous sont absorbés par la presse en un silence avide. Sur le ponton quelques pêcheurs de perche, à la ligne, de ma place je ne vois pas les mouches. Une voile ou deux sur le lac, tous les bruits sont amortis, c'est une carte postale mouvante, à peine un clapotis from time to time qui donne du relief à cette atmosphère vaporeuse.Deux jeunes donzelles se déshabillent sur la plage herbeuse, et les voila moulées de rayures multicolores, leur maillot de bain d'une forme élégante met en valeur leurs longues jambes et appelle le regard sur cet endroit si joli lorsque le maillot est bien coupé, et que la fesse a la pêche, cet espace si chair où la cuisse se transforme en fesse  ; l'accès au lac est en empilement de granit formé de gros rocs immigrés, les jeunes filles sont précautionneuses dans leur marche sautillante. Le temps d'un regard sur un moineau mendiant et désinvolte, et plouf en voilà une qui a plongé et hop la voilà déjà ressortie et qui s'essore. Au-dessus de nous et tout autour derrière, dans la partie solide du paysage, des vignes à perte de vue, des étages de vert qui prennent le soleil, mais il y en a encore assez pour tout le monde. On baigne tous dans cette lumière et si on ne veut pas être heureux, ça nous regarde.

2 commentaires:

Lin a dit…

quels mots forts et suaves, et sensuels, qui décrivent ce maux? est-ce vrai ? la perte du goût et odorat ?
signé : rophal (le mot de vérification)

Marie, Pierre a dit…

eh bien oui, silence radio ou à peu près pour le nez et la bouche. du coup je ne sais même plus cuisiner.
mais il reste les yeux - vaguement, la peau - mais qui se rebiffe, les poumons,... quant aux oreilles, un mot sur deux, mais les doigts restent agiles sur le clavier, ouf !!!